Dominique Paques : "Passage Simenon" recueil de photographismes (photos et poésies)
Éditions du Moai, Liège, le 02 mars 2003
<< Dominique Pâques, peintre d'atmosphères (préface de Jean Jour)
Solitude.
Solitude du clocher, si haut, si seul, si triste par dessus les toits de Saint-Pholien… Solitude de la pluie… Reflets sur le pavé gras, brume, éclaircie lumineuse abrupte d'un pan de ciel bleu, courette à l'abandon, crucifix cloué à même la brique, onde miroitante et odeur aqueuse, sourires figés par le déclic d'un Canon, seins en montre, nuages, reflets, volets…
Les gens sont là, à l'ombre de leur solitude, quelque part derrière ces portes et ces fenêtres. Éclipsés, ils laissent comme d'invisibles traces d'un passage éphémère. Vers quels lieux éloignés ou proches se sont-ils esquivés ? Leur absence devient présence. Peut-être reviendront-ils ? …
Solitude…
Avec Dominique Pâques, on rêve donc de présences évoquées : il emporte vers des horizons de familiarité et d'intimisme où l'attachante banalité des lieux s'éclaire soudain d'une déchirure de clarté et de quiétude qui illumine le décor le plus anodin.
Un photographe ou un poète, Dominique Pâques ? Ne serait-il pas plutôt peintre ? Peintre par ces images et ces mots qu'il parvient à réunir en une étonnante symbiose où les uns et les autres ne peuvent se disjoindre et restent indispensables à l'atmosphère…
Voilà le mot lâché ! Quoi d'étonnant, dès lors, que ce poète-photographe s'égare sur l'île du plus célèbre enfant d'Outremeuse, ce Simenon dont le nom seul évoque une humanité quotidienne de décors où nous nous reconnaissons tous, même sans les avoir vécus ?
Voyeur comme un romancier, le photographe use d'une technique personnelle pour transfigurer la simple réalité et lui donner l'éclat fugace d'une poésie à la Carco ou façon Villon. L'allure rimbaldienne d'un Prévert aussi, car le clin d'œil et l'humour restent présents, et l'autodérision : nous sommes simples témoins, devenus voyeurs à notre tour.
Comme Simenon. Ainsi le "passage" est-il effectué, de l'image au mot, du mot à l'image, du créateur au regardeur, déclenchant spontanément dans notre subconscient d'autres images, d'autres visions. Le personnage simenonien, c'est le décor. Nous nous y insérons. L'île, ainsi, nous appartient. >>
Jean Jour
Dans ce livre "Passage Simenon", la première photo "Passe irréelle" est datée de 1998, mais le cliché date de 1988 : elle montre la passerelle et la rive gauche de la Meuse. Pour illustrer le livre de Jean Jour sur Outremeuse, il fallait une photo évoquant Outremeuse. C'est ainsi que quatorze ans après, j'ai refait la même photo de la passerelle, "L'île aux trésors", mais avec la rive droite en arrière-plan. Et le texte c'est allongé ! Ces deux photos se retrouvent en vis-à-vis dans le livre et dans le diaporama.